Table ronde : retours d’expériences

La collecte du patrimoine industriel : une grande variété de forme

Après la présentation des témoignages sur l’utilisation des archives par les entreprises dans leur rapport à la mémoire, la première table ronde de la journée, animée par Claire Cottin, a porté sur la collecte de ce patrimoine. Quatre intervenants ont présenté l’exemple d’un travail de collecte important mené par leur service.

 

Samuel Bouteille a présenté la façon dont les Archives municipales de Saint-Chamond (42) ont collecté les archives du Comité d’Entreprise (CE) des Aciéries de la Marine. Il a tout d’abord insisté sur le fait que Saint-Chamond est une ville avec une forte histoire industrielle. La compagnie des Aciéries de la Marine, appelée « La grande usine » à Saint-Chamond, a été créée en 1854 par la fusion de plusieurs entreprises ; de nombreuses autres fusions ont suivi, dont une en 1976 avec le groupe Creusot Loire puis avec la branche Pusinor en 1985. Le CE pour sa part a été créé en 1945 avec deux attributions principales : une économique, et une sociale. Face aux nombreuses fusions qui ont entraîné l’implantation de plusieurs usines différentes, le CE s’est divisé d’abord en plusieurs Comités d’établissement, puis en 1976 c’est un Comité Inter-entreprise (CIE) qui est créé. Ce dernier a uniquement pour vocation de créer et de gérer des œuvres sociales. Le CIE joue alors dans la commune un rôle important dans la diffusion de la culture et dans la cohésion sociale. La désindustrialisation, marquée principalement par la fermeture du site en 2006, a donc eu un impact fort sur la vie culturelle locale. A cette date, le CIE, privé de son principal financeur, a été contraint de liquider l’ensemble de son patrimoine foncier. N’ayant plus de locaux, ses archives se sont par conséquent retrouvées en danger. Les Archives municipales ont été alertées de cette situation par l’élue à la culture de l’époque qui se trouvait être une ancienne adhérente du CIE. Cette intervention a donc favorisé les échanges et une convention de don a pu être signée en septembre 2009 avec un premier versement, qui a été complété en 2010 lorsque le CIE a été entièrement dissous. Au total, 12 ml d’archives allant de 1948 à 2010 sont maintenant classés et conservés aux Archives municipales.

 

Table ronde : retours d’expériences

 

Bénédicte de la Vaissière, responsable des Archives communales de Romans (26), a ensuite présenté la collecte du fonds Charles Jourdan par son service. Romans se présente comme la capitale mondiale de la chaussure ; en 1968, 4000 personnes étaient employées par cette industrie dans la ville, mais depuis 2012 le secteur est en crise. Charles Jourdan, fondateur de l’entreprise familiale éponyme, a commencé à travailler à 14 ans dans des usines de chaussures, puis il est devenu compagnon et a créé un petit atelier qui s’est développé rapidement, jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, période à partir de laquelle l’entreprise a donné à son activité une diffusion internationale, en travaillant notamment aux États-Unis. Toutefois en 2005, la société a dû déposer le bilan et en 2007 l’usine de Romans a fermé. Alors alertées par le président du Comité d’Entreprise, les Archives municipales vont intervenir pendant quatre mois entre 2009 et 2010 pour récupérer les archives. Cette collecte a été difficile car 2 kml étaient conservés dans l’usine et les Archives n’avaient pas la place de prendre en charge un tel volume. Il a donc fallu faire un tri, d’autant plus délicat à effectuer que les archives de la direction avaient déjà disparu, ainsi que les archives anciennes et celles relatives au fonctionnement commercial de l’entreprise. Au total ce sont 60 ml qui ont été récupérés, dont principalement des dossiers de personnel, quelques objets promotionnels et surtout les registres de modèles. Concernant ce fonds, Bénédicte de la Vaissière a remarqué l’importance de sa conservation par les Archives, car en plus de la charge émotionnelle qu’il renferme pour les habitants de Romans, sa présence rassure les autres entreprises qui sont donc plus favorables pour déposer ou donner leurs archives au service. D’autre part, Bénédicte de la Vaissière a aussi soulevé les difficultés liées à la négociation avec le groupe qui a récupéré les droits de l’entreprise Charles Jourdan et qui n’a pas voulu faire de convention de don mais uniquement une convention de dépôt et qui a également tenté de récupérer les registres de modèles pour les conserver par devers elle.

 

Michel Szempurch, de l’association Repérage et Anne Dalmasso, historienne rattachée au LARHRA (Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes), ont présenté le projet qu’ils mènent actuellement en partenariat notamment avec le Rize, autour de la collecte des témoignages oraux sur la question des mutations du monde du travail. Ce projet, qui a débuté en 2009 et devrait se terminer en 2013-2014, est né d’une volonté de produire des sources audio-visuelles pour rendre compte des mutations que connaît le monde du travail dans le contexte actuel de crise. Ils ont présenté leur démarche non pas comme une collecte mais comme une production de traces, une création d’archives et de matériaux de diffusion de cette histoire en train de s’écrire. Ce projet évolue au fur et à mesure de son avancée. La problématique principale à laquelle ils ont été confrontés est celle de convaincre des partenaires d’investir dans ce type de projet, et particulièrement les services publics, afin d’acquérir une certaine indépendance. Une autre problématique importante a aussi été soulevée : celle de trouver des personnes qui acceptent de témoigner. Dans ce sens, l’intermédiaire des syndicats a été précieuse (avec toutes les limites que cela implique) dans la collecte des témoignages de travailleurs. Le témoignage de chefs d’entreprise a été difficile à obtenir, en particulier dans les grands groupes où la communication n’est pas gérée uniquement par les dirigeants, et pour lesquels la parole peut avoir des répercussions économiques directes. Enfin, la dernière difficulté évoquée par les deux intervenants réside dans la question de la pérennité de ces sources ainsi constituées, et dans l’interrogation quand à leur format de conservation. Lié à cette problématique de la conservation, la valorisation de ces sources au delà de la fin de projet est également une source de questionnement. En effet, Anne Dalmasso a constaté que les sources audio-visuelles étaient très peu consultées et qu’il fallait donc réfléchir à la mise en place de dispositifs les rendant plus accessibles et attractives pour les chercheurs.

 

Pour la dernière intervention de cette table ronde, Eric Perrin, attaché de conservation en charge des recherches sur le patrimoine industriel stéphanois au sein du Musée d’art et d’industrie de Saint-Etienne, a présenté la démarche de l’exposition « c’était Manufrance, un siècle d’innovation (1885-1985) ». Il a expliqué que les sources pour établir cette histoire sont plutôt abondantes du fait que l’entreprise a très tôt été soucieuse de se « faire une histoire » et a ainsi travaillé étroitement avec le Musée d’art et d’industrie en lui fournissant régulièrement des exemplaires d’armes et de machines à écrire produites par l’entreprise, à tel point que ses concurrents ont d’ailleurs accusé le musée de servir de vitrine à Manufrance. Concernant les archives produites par l’entreprise, Eric Perrin a expliqué qu’avec la création en 1911 du grand hall de l’administration, l’entreprise a produit des archives en masse et qu’elles étaient relativement bien gérées jusqu’au décès du fondateur en 1944. Sa succession s’est faite difficilement et les nouveaux directeurs ont souvent emporté des archives en quittant leurs fonctions. Avec la fin de l’aventure Manufrance en 1985 et jusqu’en 1993, une série de ventes aux enchères a eu lieu, liquidant ainsi les biens meubles de l’entreprise. La ville de Saint-Etienne étant alors un des principaux actionnaires s’est retrouvée propriétaire des archives, mais comme elle ne pouvait pas les accueillir faute de place, c’est d’un commun accord que les Archives départementales de la Loire ont pris en charge la collecte. Cette dernière s’est déroulée petit à petit du fait de la difficulté de collecter un vrac qui avait été éparpillé et parfois même pillé lors des événements qui ont marqué la fermeture de l’usine et les ventes aux enchères qui ont suivi. Toutefois, il y a eu beaucoup de publications et d’expositions autour de l’histoire de cette institution qui a marqué l’histoire de Saint-Etienne, grâce à la mise en place de partenariats entre les Achives municipales et départementales, la médiathèque et le centre de culture scientifique et technique de l’école des mines. Cette valorisation a également été l’occasion de redécouvrir des fonds connexes comme celui du photographe Roger Oleszczak qui a suivi l’ensemble des manifestations qui ont marqué la fermeture de Manufrance. Actuellement 30 ml de ces archives sont conservées au Musée d’art et d’industrie et 900 ml ont été classés par les Archives départementales de la Loire, et dont l’inventaire devrait être mis en ligne d’ici la fin novembre 2012.

 

 

On retiendra de ces différents retours d’expériences l’intérêt qu’ont les collectivités à collecter les archives des industries locales, qui ont souvent marqué fortement la vie des habitants et qui permettent de conserver une partie de la mémoire collective. En ce sens, on voit apparaître le risque de tensions entre les services d’archives publics et les entreprises, pour qui cette histoire est aussi de plus en plus importante. D’où la question évoquée plus tard dans la journée du statut de archives d’entreprises : sont-elles la propriété privée de l’entreprise, ou constituent-elles un patrimoine commun qui dépasse le simple cadre de l’entreprise ?

On constate également que toutes ces collectes se sont faites dans l’urgence et dans des conditions difficiles. De ce constat se dégagent deux aspects importants dans la collecte d’archives d’entreprises :

Le réseau joue un rôle important. Que ce soit en amont de la collecte, grâce aux relations avec des dirigeants d’entreprises, des membres de CE ou des élus sensibilisés aux questions de conservation qui pourront alerter les services d’archives et servir d’intermédiaires pour faciliter la collecte ; ou après la collecte, avec les témoignages d’anciens ouvriers qui permettront de mieux comprendre le fonctionnement de l’entreprise et ainsi apporteront une aide précieuse pour le classement.

La sérendipité apportée par la collecte de tels fonds. D’une part, la conservation par un service d’archives d’un fonds d’entreprise symbolique rassure les autres établissements et leur donne confiance pour y déposer ou leur donner leurs propres archives ; d’autre part, ce type de collecte entraîne souvent la découverte et l’entrée aux Archives de fonds annexes.

 

 

Rédaction : Bouchra NEBBACH et Florian GIRAUD

 

 

 

 

 

La journée du 22 en photos

 Domaine de Varagnes, demeure de Marc Seguin (commune d’Annonay)

Né le 20 avril 1786 à Annonay, Marc Seguin est un ingénieur, inventeur, architecte, qui créa, entre autre, les ponts suspendus, les chaudières dites tubulaires adaptées aux locomotives… Le site de Varagnes, aménagé par Marc Seguin et son fils Augustin, sera le théâtre d’inventions nombreuses (essais de planeurs, moteurs d’avion) rélisées par ses descendants.  Valérie (descendante des Seguin) et Jean-Marc Lefèvre nous ont accueilli pour la visite des lieux.

 

La maison Seguin

 

 

Accueil du groupe dans la serre à double paroi

 

 

La chapelle abrite un planeur de type canard, construit par Henri Fabre (inventeur de l'hydravion) en 1909

 

 

L'atelier de chimie

 

 

Oservatoire construit par Marc Seguin avec l'aide et selon les plans de Herschel, l'un des meilleurs astronomes du XIXe siècle

 

 

Le groupe sur la terasse devant l'observatoire

 

Musée des Papeteries Canson Montgolfier (commune de Davézieux)

Marie-Hélène Reynaud, conser­va­teur du Musée et des Archives des Papeteries Canson Montgolfier SAS et pro­fes­seur d’Histoire, nous accueille pour un déjeuner en plein air et pour une visite du Musée des Papeteries Canson Montgolfier. Nous avons été rejoins successivement par Alain Zahm, maire de Davézieux et vice-président de la communauté de communes puis par Michel Roger, ancien directeur général puis PDG de Canson (co-crétaeur du musée avec Marie-Hélène Reynaud).

http://www.papeteriescanson.fr/

Marie-Hélène Reynaud à gauche, Alain Zahm à droite

 

 

De droite à gauche : X. de la Selle, M.-H. Reynaud, Michel Roger

 

 

Déjeuner devant le musée des papeteries Canson et Montgolfier

 

 

Le groupe sous la plaque commémorant le 1er aérosat des frères Montgolfier

 

 

Pile à maillets

 

 

Fabrication d'une feuille

 
 

Pressage

 
 

Machine à forme ronde animée

 

 

La journée du 21 en photos

Xavier De La Selle, directeur du RIZE (président de l’AAF) et Claire Cottin (Société Générale)

 

 

Le public

 
 

Thomas Mollanger, Université Sophia Antipolis

 
 

Table ronde : retours d’expériences

 

 

Lionel Garcia, Directeur général d’Everial

  
 
 
 

Sylvie Dessolin-Baumann, Centre national d’Archives de l’AFPA

 
 
 

 

Table ronde : La formation archivistique à l’heure des entreprises ? De nouveaux débouchés sont ils envisageables ? Pour préserver leur mémoire, les entreprises ont besoin d’archivistes, comment sont-ils formés?

 
 
 

Laurent Ducol, Président de la Section

 

 
 
 

Interview de François Robert & Alexandre Giandou

Les commémorations, ou la (re) construction de la mémoire d’entreprise aux XIX-XXème siècles en Rhône Alpes. François Robert & Alexandre Giandou, CNRS – LARHRA

 

Qu’est-ce que les entreprises commémorent et pourquoi?

Il y a plusieurs raisons. Elles commémorent leur date de création mais aussi la sortie d’un produit ou encore la nécrologie. D’un autre côté, les commémorations peuvent servir de prétexte; par exemple la coopérative l’Avenir (fondée en 1919), lors des 20 ans de sa création, produit une plaquette qui n’est qu’une opération de communication publique vers ses partenaires et pour mettre en valeur son savoir-faire. C’est du marketing avant l’heure. Les histoires des entreprises se mettent en place dès le XIXe siècle.

 

Quel est le secteur le plus proléfique en matière de fabrication de la mémoire?

Ce sont surtout les imprimeries et le secteur bancaire. Concernant les banques, il y a l’idée de sécurité, de rassurer les clients.

 

Interview de Michel Szempruch

Les mutations du monde du travail : expérience de recueil de témoignages vivants de personnes en activité dans des entreprises dans le Rhône et l’Isère. Par Michel Szempruch de l’association Repérage (Grenoble)

 

Comment réussissez vous à recueillir les témoignages des différents acteurs ?

Nous présentons dans un premier temps notre projet qui tourne autour des changements dans le monde du travail et particulièrement le rapport des uns et des autres à la crise. Concernant les salariés, nous passons soit par des réseaux classiques comme les syndicats ou les comités d’entreprise soit par des réseaux professionnels ou amicaux. Pour ceux qui est des entreprises, c’est plus compliqué. Nous contactons directement par voie hiérarchique mais les résultats n’ont pas été brillants. Nous avons donc utilisé d’autres moyens ; par exemple à Villeurbanne, nous sommes passés par le service économique de la ville et le Gevil (Groupement des Entreprises de Villeurbanne) qui ont fait l’intermédiaire.

 

Michel Szempruch, association Repérage

 

Quels sont les partenaires pour mettre en place ce type de projet ?

Nous sommes une association qui travaille depuis des années avec le réseau des musées de l’Isère. L’association Repérage travaille soit comme prestataire soit comme partenaire de structures patrimoniales (mairies, des musées) et d’un autre côté nous avons de l’expérience sur le domaine du travail, donc ça été facile au moins en Isère. Puis on a élargi le projet avec d’autres partenaires par exemple en répondant à l’appel à projets Mémoires du XXe siècle en région Rhône-Alpes (DRAC et région Rhône-Alpes). Nous avons aussi des affinités avec les syndicats, les comités d’entreprise que nous avons associés au projet. Ils sont très intéressés d´être co-acteurs de projets culturels. Enfin, nous avons contactés des collectivités.

 

Interview de Thomas Mollanger

Thèse de doctorat « Construction de l’image de marque de la société Hennessy (1765-1971). Etude historique de la communication et du marketing de la société »

 

Quelle est la place des archives dans le marketing des entreprises?

C’est une demande du marché et comme le marché connait la crise, il y a une véritable demande d’authenticité. Les marques se tournent alors vers leur mémoire. C’est surtout vrai pour certaines marques comme les spiritueux pour faire face à la loi Evin ; l’agroalimentaire et la mise en avant du consommer français. Les marquent qui veulent renouer avec leur histoire font donc appel à des services d’archives.

 

Thomas Mollanger, Université Sophia Antipolis

 

Quelles relations entretiennent les marques avec les archivistes ?

Les marques se tournent vers l’archiviste pour élaborer une stratégie marketing. Toutefois, ces coordinations sont encore assez faibles et les marques qui ne consultent pas leurs archivistes courent le risque de se tromper dans la reconstitution de leur histoire.

 

Comment les marques utilisent-elles les archives ?

Elles utilisent beaucoup les clichés et réutilisent de vieux travaux d’historiens. Les marques communiquent surtout sur ce qui est visuel donc on retrouve les portraits des grands patrons comme celui de Richard Hennessy. Il n’y a  donc pas de travail scientifique à partir des archives.

 

 

 

Introduction de la journée d'étude

La journée d’étude du 21, première des trois journées organisées par la section archives économiques et d’entreprises de l’AAF, s’est déroulée au RIZE à Villeurbanne, permettant ainsi à la section de renouer avec ses interventions en province. Elle était consacrée à des échanges sur les problématiques de fond autour de la place que doit occuper l’archiviste au sein de l’entreprise. Problématiques qui ont été inscrites par Claire Cottin (responsable du Centre de Services Documentaires de la Banque de Détail Société Générale et responsable du projet Journées d’Étude au sein de la section), lors de son introduction, dans le contexte actuel où les entreprises traversent un temps de crise, (en particulier dans le secteur bancaire) et de ce fait se concentrent sur « le court terme » imposé par un « timing de plus en plus court ». Se pose alors, la question de savoir quelle place il y a pour une politique de conservation de la mémoire qui s’inscrit plutôt dans le temps long, d’où le titre provocateur de cette journée : « Les entreprises ont-elles besoin d’une mémoire ? ».

 

Véritable « Temps du témoignage », selon les mots de Claire Cottin, avant celui « des retrouvailles » marqué par les deux journées suivantes, cette journée a rassemblé près d’une centaine de participants, et s’est décomposée en deux temps. La matinée était ainsi plutôt consacrée aux témoignages, avec l’intervention d’historiens sur la façon d’écrire l’histoire de l’entreprise, et les retours d’expérience de professionnels ayant eu à traiter des archives de ce type. L’après-midi, quant à elle, à travers les interventions proposées, apportait plutôt une approche sur les problématiques liées à la dématérialisation et à la conservation des archives économiques, ainsi que sur la question de la formation des jeunes archivistes au contexte de l’entreprise.

 

Témoignage du dirigeant d’une société de Tiers Archivage, fondée à Lyon : Everial

Témoignage du dirigeant d’une société de Tiers Archivage, fondée à Lyon, Everial : démarche entrepreneuriale, ancrage local, les choix d’une stratégie. Par Lionel Garcia, Directeur général d’Everial

 

Lionel Garcia, directeur général de la société Everial, a présenté la démarche de son entreprise qui existe depuis une vingtaine d’années, d’abord sous le nom d’Archives Alpha puis sous celui d’Everial. Les actions de son entreprise ont récemment évolué pour ne plus seulement se cantonner à la conservation d’archives physiques mais s’orienter vers la gestion d’archives électroniques. Cette gestion passe aussi bien par la mise en place de coffres forts électroniques pour assurer la valeur probante des documents, que par des opérations de numérisation ou la mise en place de GED dans les entreprises. Cette évolution se fait également dans le sens d’une augmentation du nombre de services proposés ; les clients d’Everial recherchent aujourd’hui aussi bien des prestations de conservation qu’un accompagnement « sur la valorisation de l’information » au sein de leur structure, selon les termes de Lionel Garcia. Les tiers archiveurs gèrent donc dorénavant des fonds et des flux d’informations, et doivent ainsi se positionner sur la chaîne globale du cycle de vie de l’information.

 

Lionel Garcia, Directeur général d’Everial

 

Après cette présentation, un débat s’est engagé dans la salle sur le rôle que pourrait jouer les tiers archiveurs dans la conservation de la mémoire des entreprises. La question qui a déclenché ce débat était de savoir si le tiers archiveur pouvait alerter les services d’archives publics compétents lorsqu’un client lui demandait de faire effectuer la destruction de ses archives historiques, ou du moins conseiller à ce client de prendre contact avec les Archives concernées. A cela, Lionel Garcia a répondu qu’effectivement les tiers archiveurs ont un devoir de conseil auprès de leur client, mais n’a pas évoqué de lien avec le réseau public. Le rôle du secret professionnel a également été évoqué dans la salle pour expliquer le fait que les tiers archiveurs ne peuvent pas contacter les services d’archives publics, et que si ils le faisaient la relation de confiance avec le client serait brisée. Toutefois, afin de conserver de façon rationnelle une partie du patrimoine industriel, l’idée a été évoquée d’une évolution de la loi qui pourrait contraindre les tiers archiveurs (comme c’est déjà le cas pour les mandataires liquidateurs) à prendre contact avec les Archives départementales, avec toute les réserves dues au respect du secret professionnel, avant toute destruction.

Lionel Garcia a alors expliqué que même dans ce cas, ce rôle d’alerte ne pourrait pas systématiquement être effectué, du fait des différentes prestations proposées par l’entreprise. En effet, la prestation de base ne permet pas à Everial de connaître le contenu des boîtes. Le classement et la description de ces dernières n’est effectuée que pour un coût plus élevé ; par conséquent, le tiers archiveurs ne peut pas toujours connaître la nature des documents qui sont proposés à l’élimination. Il a par ailleurs expliqué qu’Everial travaillait depuis plusieurs années avec des mandataires liquidateurs afin de dresser l’inventaire des archives de l’entreprise en liquidation, que ces prestations avaient différents niveaux de précision selon la législation à appliquer, et représentaient en moyenne plusieurs dizaines d’actions par année.

Le débat a alors rebondi sur la nature de ces archives privées et sur la question de savoir si, du fait qu’elles constituent un patrimoine important pour l’histoire de la population au-delà même de l’histoire privée de l’entreprise, elles ne devraient pas être considérées comme un bien public et mieux protégées. Toutefois, la réponse à cette question n’étant pas du ressort des participants, la réflexion ne s’est pas prolongée.

Enfin, la question de la conservation pérenne des archives électroniques a été évoquée. Lionel Garcia a expliqué que son entreprise se tenait à la pointe de la technologie dans ce domaine, grâce à une veille importante. Toutefois, il a ajouté qu’encore une fois, s’il pouvait conseiller ses clients sur les migrations à effectuer et les formats à adopter, il n’était pas de son ressort de les leur imposer. Il a également fait remarquer qu’un paradoxe existait entre la lourdeur des formats de conservation fiables et la souplesse de diffusion de l’information demandée par les clients.

 

Rédaction : Bouchra NEBBACH et Florian GIRAUD